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29 septembre 2015 2 29 /09 /septembre /2015 15:43
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15 août 2015 6 15 /08 /août /2015 13:43
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25 février 2015 3 25 /02 /février /2015 09:03

 


 

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20 février 2015 5 20 /02 /février /2015 15:28

Un texte de Pierre Stambul actuellement co-président de l'UJFP.

 

C’est un refrain bien établi. Vous critiquez Israël et le sionisme ? Vous êtes antisémite ! Un Juif français veut pouvoir « vivre son judaïsme » ? On l’invite à faire son « alyah » et à apporter sa pierre à la colonisation de la Palestine.

               On essaie de nous marteler que l’histoire des Juifs s’est achevée et qu’Israël en est l’aboutissement. Israël fonctionne comme un effaceur de l’histoire, de la mémoire, des langues, des traditions et des identités juives. La politique israélienne n’est pas seulement criminelle contre le peuple palestinien. Elle se prétend l’héritière de l’histoire juive alors qu’elle la travestit et la trahit. Elle met sciemment en danger les Juifs, où qu’ils se trouvent. Et elle les transforme en robots sommés de justifier l’injustifiable.

               Retour sur un passé récent L’histoire des Juifs français n’a strictement rien à voir avec Israël. Régulièrement spoliés, massacrés ou expulsés par différents rois très chrétiens, les Juifs ont acquis la citoyenneté française avec l’Abbé Grégoire pendant la Révolution. Ces deux derniers siècles ont été marqués par une quête de la citoyenneté et de l’égalité des droits. L’affaire Dreyfus a révélé que, si une partie de la société française était antisémite, une autre partie, finalement majoritaire, considérait que l’acquittement et la réhabilitation de Dreyfus étaient l’objectif de tous ceux qui étaient épris de liberté et refusaient le racisme.

               L’histoire des Juifs français a été marquée par leur participation importante à la résistance contre le nazisme et le régime de Vichy, puis par l’engagement de nombre d’entre eux dans des luttes progressistes et/ou anticoloniales. Les intellectuels juifs de cette époque s’appelaient Raymond Aubrac, Marc Bloch, Laurent Schwartz, Pierre Vidal-Naquet, Stéphane Hessel.

              C’était une époque où beaucoup de Juifs pensaient que leur propre émancipation passait par celle de tou-te-s. C’était une époque où le racisme, le fascisme et la haine de l’autre étaient considérés comme des abjections à combattre. Les enfants juifs allaient à l’école publique, jamais il ne leur serait venu à l’idée de se séparer des autres dans des écoles confessionnelles.

        On s’efforce aujourd’hui en Israël d’effacer l’histoire des Juifs dans les différents pays où ils ont vécu. Si les Juifs ont longtemps été considérés par les antisémites en Europe comme des parias inassimilables et s'ils ont été persécutés parce qu’ils constituaient un obstacle aux nationalismes fous qui rêvaient de sociétés ethniquement pures, ils n’ont jamais recherché la séparation mais au contraire l’insertion à l’intérieur des sociétés dans lesquels ils vivaient. Une assignation à la désertion

                                              On fait un saut de quelques années.

               En tête d’une gigantesque manifestation parisienne censée dénoncer le terrorisme, on trouve trois criminels de guerre, Nétanyahou, Lieberman et Bennet qui viennent de s’illustrer dans le massacre de plus de 2000 Palestinien-ne-s (essentiellement des civil-e-s) à Gaza pendant l’été 2014.

             Profitant de l’émotion causée par l’attentat antisémite de la Porte de Vincennes, Nétanyahou est autorisé (par le gouvernement français) à déclarer aux Juifs français qu’ils sont en insécurité en France et qu’ils doivent partir dans leur « vrai » pays, Israël. En fait, le sionisme n’a jamais combattu l’antisémitisme. Il s’en est toujours nourri avec en permanence un seul et unique but : faire immigrer le maximum de Juifs en Israël.

             Du coup, Nétanyahou n’hésite pas à mettre en danger les Juifs français. Il en fait des étrangers dans leur propre pays, des « touristes » qui n’ont pas compris que leur « patrie » est là-bas. Les Juifs sont sommés d’être des « traîtres » (à la seule et unique cause, celle du Grand Israël de la mer au Jourdain) ou des complices.

             La France a toujours été un échec pour Israël : à peine 80000 Juifs sont partis depuis 1948 et une moitié est revenue. Alors la propagande se fait assourdissante. Pourtant, s’il y a bien un pays où les Juifs sont en insécurité, c’est Israël et il sera ainsi tant que la destruction de la Palestine se poursuivra. À « l’alyah » (la montée) des vivants vers Israël, s’ajoute à présent celle des morts. Les autorités israéliennes incitent vivement les Juifs français à faire enterrer leurs proches en Israël. Ainsi les victimes de la tuerie de la porte de Vincennes ont été inhumées au cimetière de Givat Shaul.

               Ce « quartier » de Jérusalem, c’est l’ancien Deir Yassine, le village martyr de la guerre de 1948 où les milices de l’Irgoun dirigées par Menachem Begin ont massacré toute la population avant que le village ne soit, comme tant d’autres, rayé de la carte. Quel symbole ! Israël à l’avant-garde de l’islamophobie Les Juifs ont vécu pendant des centaines d’années dans le monde musulman. Ils ont même été accueillis par l’empire ottoman après leur expulsion d’Espagne en 1492. Aujourd’hui, Israël participe à la diabolisation des Arabes et des musulmans en se comportant en élève modèle du « choc des civilisations ».

                 Le racisme anti-arabe et l’islamophobie s’expriment ouvertement, des politiciens en ont fait leur fond de commerce et les passages à l’acte sont fréquents. Les crimes de masse comme à Gaza ou la multiplication des propos racistes (Pour le rabbin Rosen, les Palestiniens sont des Amalécites et la Torah autorise qu’on les tue ainsi que leurs femmes, leurs enfants, leurs troupeaux) laisseront des traces.

                   Comment imaginer que ce qui est infligé aux Palestiniens sera sans conséquences ? En Israël, des propagandistes rivalisent pour expliquer que les Juifs ont vécu l’enfer dans le monde musulman, masquant le fait que l’antisémitisme a été avant tout une invention européenne et chrétienne. Les Juifs orientaux subissent en Israël des discriminations sociales et un mépris raciste. Ils ont souvent été humiliés et discriminés à leur arrivée. Ils sont coupés de leurs racines et poussés à renier leur identité. L’expulsion des Palestiniens de 1948 est présentée comme un « échange de population » alors que le sionisme est le principal responsable, et de la Nakba, et du départ des Juifs orientaux de leurs pays.

                                        Qu’y a-t-il de juif en Israël ?

       Les sionistes ont théorisé l’idée que les Juifs et les non-Juifs ne peuvent pas vivre ensemble. C’est totalement contraire à tout ce qui s’est passé pendant des centaines d’années. Cela va à l’encontre de l’aspiration des Juifs à sortir des ghettos, des mellahs et des juderias pour devenir des citoyens normaux. Les Juifs religieux qui émigrent en Israël y rencontreront rarement la religion telle qu'elle a été pratiquée pendant des siècles. Le courant national-religieux s’est imposé. Ce courant intégriste a totalement révisé la religion. Le « peuple élu », ça n’a jamais voulu dire qu’il a plus de droit que les autres mais au contraire qu’il a plus de devoirs. Parmi les préceptes, il y a « ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu’on te fasse » et « tu aimeras ton prochain comme toi-même ».

« L’an prochain à Jérusalem », ça n’a jamais voulu dire qu’il faut réaliser le nettoyage ethnique en cours, mais « vivement que le Messie vienne ». L'hébreu a toujours été une langue religieuse interdite à l'usage profane. La religion juive est une religion de « l’exil ». L’installation sur cette terre (d’Israël/Palestine) avant l’arrivée du Messie et a fortiori l’établissement d’un Etat juif étaient interdits. D’ailleurs les Juifs expulsés d’Espagne en 1492 ne sont pas allés à Jérusalem. Herzl a rencontré une hostilité quasi unanime des rabbins contre le projet sioniste dès qu’il a été question d’établir un État juif en Palestine. Pour les Juifs laïques, les valeurs dominantes d’Israël sont à l’antithèse de ce que sont pour eux les valeurs du judaïsme.

         Où trouve-t-on dans la tradition juive le racisme, le chauvinisme, le militarisme, le négationnisme de l’existence et de la dignité de l’autre ? Qu’y a-t-il de commun entre ce qu’ont représenté les grands intellectuels juifs (Einstein, Freud, Arendt, Kafka, Benjamin …) et les criminels de guerre qui dirigent Israël ? Qu’est devenue en Israël la mémoire de celles et ceux qui ont lutté contre le fascisme et le colonialisme (Marek Edelman, Abraham Serfaty, Henri Curiel …) ? De quel héritage juif peuvent se prévaloir les colons et les militaires qui justifient à l’avance les violences et les crimes commis contre les Palestiniens ?

                 Comme l’écrit l’historien israélien Shlomo Sand à propos du livre de Yakov Rabkin Comprendre l’État d’Israël, « celui qui voit dans le sionisme une continuation du judaïsme ferait bien de lire ce livre. Mais celui qui croit que l’État d’Israël est un État juif est obligé de le lire ». Certains Juifs pensent qu’après le génocide nazi, Israël est l’ultime refuge.

                 Au nom de quoi les dirigeants israéliens peuvent-ils brandir partout l’antisémitisme et le souvenir du génocide ? Les sionistes n’ont joué qu’un rôle marginal dans la lutte contre l’antisémitisme et la résistance au nazisme. Certains dirigeants sionistes ont même eu un comportement honteux pendant la montée du fascisme (Ben Gourion avec les accords de Haavara, 1933) et à l’époque de l’extermination (le groupe Stern assassinant des soldats et des dignitaires britanniques).

                Comment ne pas comprendre que la mémoire du génocide signifie « que cela n’arrive plus jamais » et pas « que cela ne NOUS arrive plus jamais », ce qui correspond à une vision tribale de l’humanité totalement contraire à toutes les formes d’héritage juif. Refuser l’assignation et la peur, refuser toutes les formes de racisme et de discrimination. Il y a des confrontations qui ont du sens : les luttes contre l’oppression, la domination, le colonialisme, pour l’égalité des droits.

                           On nous vend aujourd’hui une guerre qui n’est pas la nôtre : celle d’un monde dit « civilisé » contre le « terrorisme islamique ». Dans cette « guerre », les musulmans sont considérés comme des terroristes en puissance et sont sommés de « prouver » qu’ils ne sont pas des complices de Daesh. Et les Juifs sont assignés à soutenir sans réserve une politique israélienne criminelle contre les Palestiniens et suicidaire pour les Juifs. Cette fuite en avant criminelle tient par la peur. Ce syndrome assure le consensus à un point tel qu'un négociateur palestinien (le professeur Albert Aghazarian) a pu dire que les Israéliens ont peur de ne plus avoir peur. Cette peur irrationnelle a gagné beaucoup de Juifs français. Dans le contexte du « choc des civilisations », prétexte des dominants pour ensanglanter le monde, il y a en France une montée générale de toutes les formes de racisme.

         Contrairement à l’image fabriquée par les principaux médias, le racisme frappe essentiellement tous les « dominés », toutes les victimes de l’apartheid social : Arabes, Noirs, Roms. Il prend une nouvelle tournure en se masquant derrière l’islamophobie. Comme il n’est plus politiquement correct de dire « sale arabe », on diabolise l’islam. Il y a aussi une incontestable et détestable montée de l’antisémitisme. Mais les différentes formes de racisme ne sont pas traitées de la même façon.

          Les dirigeants israéliens et en France le CRIF, participent activement à la stigmatisation des musulmans. Ils affirment contre toute évidence qu’il n’y a qu’un seul racisme à dénoncer (l’antisémitisme) et qu'on est à la veille d'une nouvelle « nuit de cristal ». Ils font apparaître les Juifs comme ceux que le pouvoir protège alors que l’idéologie sécuritaire, les déclarations des principaux dirigeants et le travail nauséabond de pseudo intellectuels, visent une seule population déclarée dangereuse. Les stéréotypes antisémites se nourrissent aussi de la complicité du CRIF avec la politique israélienne et de la partialité évidente du pouvoir. À l’heure des confusions, l’indignation légitime contre les crimes israéliens fait monter l’antisémitisme et les quelques paumés attirés par la violence effroyable de Daesh commettent des attentats criminels contre les Juifs parce que Juifs.

            La lutte contre le racisme ne peut pas être découpée. Choisir certaines « bonnes » victimes contre d’autres est à l’antithèse du combat antiraciste. La politique israélienne et la négation totale des droits du peuple palestinien ne protègent absolument pas les Juifs.

        Au contraire. Pour créer l’Israélien nouveau, il a fallu « tuer le Juif », celui qui pensait que son émancipation passait par celle de l’humanité. Comme le dit le militant israélien anticolonialiste Eitan Bronstein : « nous ne serons jamais libres tant que les Palestiniens ne le seront pas ». En refusant le tribalisme, les Juifs français réaffirmeront une histoire dont ils peuvent être fiers. C’est tou-te-s ensemble qu’il faut combattre tous les racismes, toutes les stigmatisations, toutes les discriminations. C’est tou-te-s ensemble qu’il faut défendre le droit, en Palestine comme ici.

Pierre Stambul
 

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1 décembre 2014 1 01 /12 /décembre /2014 16:20

              La ville de Jérusalem est sous tension après l’attentat du 18 novembre 2014 contre une synagogue.

            Le reporter Charles Enderlin y réside depuis quarante ans. Son regard sur ce nouvel accès de violence est bien sombre. Des voitures béliers qui foncent sur les piétons, un attentat contre un rabbin fondamentaliste, un massacre dans une synagogue... Mais aussi une colonisation incessante, des religieux messianiques qui montent sur l'Esplanade des Mosquées pour prier avec l'idée de construire un jour le troisième Temple, des débats sans fin à la Knesset pour tenter de justifier leurs agissements.

            Jérusalem semble au bord de l'explosion. C'est dans ce contexte qu'en France, le groupe parlementaire socialiste a déposé ce jeudi 22 novembre 2014 une proposition de résolution visant à reconnaître un État palestinien.

              Qu'en pense Charles Enderlin, chef du bureau de France 2 à Jérusalem qui l'an dernier, dans son livre Au nom du Temple, décryptait « l'irrésistible ascension du messianisme juif » ? Il en a tiré un film, achevé depuis mars dernier, que France 2 serait bien inspiré de diffuser rapidement pour nous aider à comprendre les enjeux d'un terrifiant conflit.

           Habitant Jérusalem depuis 40 ans, Charles Enderlin n'a jamais été aussi sombre. Comment la presse israélienne a-t-elle rendu compte du massacre de la synagogue ? Toutes les télés ont montré l'horreur, les obsèques, le fait qu'on se retrouve avec 25 orphelins dans une même rue d’un quartier ultra-orthodoxe de Jérusalem.

          Cela suscite un choc chez les Israéliens, la peur. Mais les commentateurs de la presse écrite tentent de garder une distance. Surtout, le chef du Shin Beth, la sécurité intérieure, a contredit le premier ministre, Benyamin Netanyahou, qui ne cesse d'accuser Mahmoud Abbas d'inciter à la violence.

             Entretien“L’antisémitisme est la matrice de tous les racismes”, Elisabeth Roudinesco Cette « diabolisation » de Mahmoud Abbas par Benyamin Netanyahou fonctionne-t-elle ? Oui, il y a un rejet complet des Palestiniens au sein de très larges secteurs du public israélien.

           Après l’attentat, les images de distribution de sucreries dans la rue par quelques islamistes à Gaza et surtout Bethleem, cela a fait des dégâts ! Alors qu'il y a chez beaucoup de Palestiniens de la gêne, et une crainte de la suite. Car pour eux, cela va signifier encore davantage de contrôles, de barrages, d'ennuis de toutes sortes.

         Les violences auxquelles nous assistons en ce moment ne sont pas une Intifada, ne ressemblent en rien aux soulèvements palestiniens que l'on a connus dans le passé. Les auteurs d'attaques de ces dernières semaines n'appartenaient à aucune organisation, aucune cellule terroriste, n'obéissaient à aucune hiérarchie. C'est un palestinien père de famille qui le matin prend sa voiture et d'un coup décide de la transformer en véhicule-bélier, ou qui prend un tournevis et le plante dans le dos d'un juif religieux.

           Ils sont encouragés par la télé du Hamas et les réseaux sociaux islamistes qui lancent des appels au meurtre d'Israéliens et de juifs. Mais l’attentat de la synagogue a été revendiqué par le FPLP, vieille organisation palestinienne de gauche qui revendiquait déjà les attentats de la seconde intifada... Le FPLP a automatiquement revendiqué ce massacre parce que ses deux auteurs appartiennent à une famille connue comme étant proche du FPLP.

           Mais il n'est pas sûr du tout qu'un chef du FPLP leur ait donné des ordres. Ces chefs sont tous à la retraite, certains sont des vieillards... Pourquoi ce nouvel accès de violence ? C’est dû à un certain nombre de facteurs. L’agitation autour de l’Esplanade des saintes mosquées provient du sionisme religieux qui a le sentiment d'avoir gagné la partie en Cisjordanie et se tourne donc vers l'Esplanade des saintes mosquées, qui est aussi l’endroit où, selon le Judaïsme, se dressait le Temple construit par Hérode il y a 2000 ans.

        C'est pour cela que les musulmans commencent à s'inquiéter. Il y a eu en un an quinze débats à la commission de l’intérieur de la Knesset sur le droit des juifs à prier sur le Mont du Temple. A l'origine, le grand rabbinat avait interdit aux juifs de monter car l'emplacement exact du Saint des Saints n'était pas connu. Seul le grand prêtre avait le droit d’y pénétrer une fois par an. Mais les rabbins nationalistes religieux ont déterminé l'endroit où il se trouvait, et décrété en 2003 que non seulement il y a un droit d’y monter, mais que c'est un devoir religieux.

            Un juif ultra-orthodoxe prie après l'attentat contre une synagogue, le 18 novembre 2014. On n’est plus du tout dans un conflit politico-ethnique... Non, la grande inquiétude de l'administration américaine et de certains diplomates européens, après l'attentat de la synagogue, et avec la tension autour de l'Esplanade des mosquées-Mont du temple, c'est que le conflit religieux se durcisse encore et que cela fasse tâche d'huile.

           Imaginez que pour venger un attentat particulièrement sanglant, des extrémistes juifs aillent porter atteinte aux mosquées de l'Esplanade, les répercussions seraient mondiales. “Tout le monde sait en Israël que le processus de paix est mort” La question d’un Etat palestinien n’est donc plus du tout d’actualité ? C'est fini ! Tout le monde sait en Israël que le processus de paix est mort. A Ramallah, lorsque je rencontre des dirigeants palestiniens, je leur demande : croyez vous que vous aurez un Etat, avec 380 000 colons ? Croyez-vous que les juifs vont vous donner la souveraineté sur les quartiers arabes de Jérusalem-Est, sur l'Esplanade des mosquées, qui est le troisième lieu de l'Islam, mais le seul lieu saint juif ? Et ils me répondent : « nous savons très bien qu'on n'aura pas d'Etat, la Cisjordanie est devenue une peau de panthère, et il n'est plus possible de créer un Etat qui ait une continuité territoriale. »

            Mahmoud Abbas aussi en a parfaitement conscience. Il va avoir 80 ans et pense à l’héritage politique qu’il va laisser à son peuple. Quelques résolutions de l’ONU, la reconnaissance de la Palestine par le plus de pays possibles. Pourquoi maintient-on alors la fiction de deux Etats possibles ? Je n'arrive pas à imaginer que les analystes des chancelleries, en Europe et même aux Etats-Unis, ne soient pas conscients qu'on n'évacuera pas 380 000 colons, et pas même 10 000. L'idée de deux Etats est morte. Dans mon film, Ouri Ariel, l'actuel ministre du Logement, un colon qui pousse à la colonisation partout où c'est possible, me dit qu'il ne peut y avoir qu'une seule souveraineté entre le Jourdain et la Méditerranée, celle d'Israël, et si « les Arabes », sous-entendu les Palestiniens, veulent davantage de droits politiques, on leur donnera le droit de vote pour la Knesset. « Nous pouvons faire face à 30 députés arabes supplémentaires au parlement.

             En 3000 ans d’existence, le peuple juif a surmonté des crises bien plus graves » dit-il. C'est leur vision. Le sionisme religieux ne renoncera pas à la terre d'Israël, à Jérusalem et au Mont du Temple. Les diplomates européens en sont conscients, ceux que je rencontre me disent qu'en continuant de financer l'Autorité palestinienne, l'Europe ne fait que maintenir l'occupation. Alors que faire ? Je ne sais pas. Puisqu'un Etat palestinien n'est plus possible, il faut chercher d'autres solutions, une sorte de confédération, une fédération de peuples... Mais c'est problématique avec un conflit religieux.

             80 % des Israéliens croient aujourd'hui en Dieu, 51 % croient en la venue du Messie. La gauche séculière ne représente plus que 17 % de la population juive. Et vous avez aussi côté palestinien des virages vers la religion, l’islamisme alors que dans la région Daesh s’implante. On va vers une lente descente en enfer. Régulièrement, on a l’impression que le fond a été atteint… puis, il y en encore un ! « Je suis quand même journaliste, je regarde avec un profond regret ce qui s'est développé sous mes yeux » Photo : Levine/Sipa Comment Israël, Etat né du sionisme laïc et socialiste, en est-il arrivé là ?

           Il y a eu bien sûr l'importante fécondité des religieux. L'arrivée de l'immigration de l'ancienne URSS n'a pas amélioré le désir de démocratie et d'un accord avec les Palestiniens. Et puis il y a eu un lent processus de désintégration. Netanyahou est, après Ben Gourion, le chef de gouvernement qui est resté le plus longtemps au pouvoir et qui a le plus changé le pays.

         Économiquement en le libéralisant, en réduisant les charges sociales, en accroissant les inégalités. Et politiquement avec sa vision d'un Etat juif entouré d'ennemis à chaque génération : un dictateur, un peuple, veulent détruire le peuple juif, maintenant ce sont les Iraniens et les islamistes arabes. “Netanyahou n’a pas de réel adversaire sur la scène politique israélienne” Mais les Israéliens ont voté et revoté pour lui ! Vous savez comment ça se passe : voter Netanyahou, c'est voter pour sa sécurité et pour l'économie.

              Il faut à un Israélien moyen une drôle d'analyse pour penser que sa sécurité et son bien-être économique passerait par le fait de renoncer à des territoires et à ramener des colons en Israël. Aujourd’hui, il n’a pas de réel adversaire sur la scène politique israélienne.

     Et vous, dans l’Israël d’aujourd'hui ?

            Je suis arrivé ici il y a un peu plus de quarante ans. J'ai connu des moments formidables, j'étais à l'aéroport de Tel Aviv lorsque l'Égyptien Anouar el-Sadate est arrivé pour un accord de paix historique, j'étais là lorsque les accords d'Oslo ont été signés, lorsqu'un traité de paix a été conclu avec la Jordanie.

            J'aime aller en Jordanie et en Égypte, je sais que dans ces pays modérés, les dirigeants, veulent le plus vite possible un accord, que l'initiative de paix en 2002 de la Ligue arabe tient toujours, qu'elle a été renouvelée à plusieurs reprises, régulièrement repoussée par les gouvernements israéliens.

        Mais pourquoi la ligne dure de l’Egypte sur Gaza ?

       Les Égyptiens sont sensibles à la question palestinienne, mais rejettent les Frères musulmans et le Hamas. Après l'élection de Morsi, les Frères musulmans se sont crus les rois du pétrole, ont commis erreur sur erreur. Sissi est aujourd'hui très populaire en Égypte parce qu'il a destitué Morsi et les Frères musulmans, qui, malgré tout représentent peut-être 30 % de la population égyptienne. Or, le Hamas fait partie de la confrérie déclarée « organisation terroriste » par le régime du général Sissi.

            Lorsque les trois chefs du Hamas dans le sud de la bande de Gaza ont été tués par des missiles israéliens, je suis persuadé que militaires égyptiens ont appelé leurs collègues israéliens pour les remercier. Il y a une coopération militaire israélo-égyptienne comme jamais il n'y a eu par le passé.

       Que les Palestiniens n’aient plus de soutien à l’extérieur, est-ce que cela n’encourage pas la droite israélienne ?

       La droite israélienne est avant tout pro-colonisation, et ne se soucie pas du tout du sort des Palestiniens. Elle est hostile à un Etat palestinien, et rien ne la fait dévier de sa ligne. Pour mon livre et mon film, j'ai été reçu par tous les rabbins que je voulais voir, je les ai filmés sur l'Esplanade des mosquées m'expliquant leurs projets, je n'ai eu aucun problème pour aller voir les nationalistes religieux qui, pourtant, m'ont attaqué pendant des années.

        En Israël, on peut s’insulter et quand même parler... Ca commence à disparaître, il y a une véritable campagne contre la gauche. Au début des bombardements de Gaza, on a vu sur des pages Facebook francophones la photo du journaliste de Haaretz Gideon Levi et la mienne, avec cette légende : tout bon juif doit tuer ces deux collabos. “Le conflit au Proche-Orient, c’est un peu comme le virus Ébola”

          Si un Etat palestinien n’est plus possible, comment construit-on l’avenir ?

       La question est posée à la communauté internationale. Car le conflit au Proche-Orient, c'est un peu comme le virus Ébola : ces deux tribus, Juifs et Palestiniens, qui se bagarrent là-bas, c'est désagréable, on n'a pas envie de s'en occuper. Mais quand le virus commence à arriver en Europe, on fait semblant de commencer à s'en occuper, on vote des résolutions qui restent lettre morte…

Vous ne croyez pas à un Etat d’Israël plus démocratique et plus égalitaire pour tous, un Etat qui se doterait d’une Constitution ? Un Etat binational sous une forme ou une autre ? Dans tous les cas, ça voudrait dire la fin du sionisme libéral prôné par Theodore Herzl et par la gauche sioniste des débuts. Mais on n'y est pas.

          Vous savez quel est le débat du moment ? Changer les Lois fondamentales pour qu'Israël ne soit plus un Etat « démocratique et juif » mais un Etat national juif, et démocratique ensuite. De quoi parle t-on ? D'une forme de théocratie, peut-être d'une monarchie ? Et quels éléments de valeur juive on mettrait dans les lois fondamentales ? Israël n'a pas de constitution. Pas de séparation entre la synagogue et l'Etat. Et Benyamin Netanyahou s'est déclaré en faveur de la proposition de loi la plus extrême, il exige avant toute chose des Palestiniens qu'ils reconnaissent la nation du peuple juif.

         En échange de quoi, il serait prêt à un Etat palestinien démilitarisé, Jérusalem restant réunifiée sous la souveraineté israélienne. Plutôt que de courir après cette chimère de deux Etats, la communauté internationale ne devrait-elle pas imposer à Israël de se doter d'une Constitution ?

        Peut être. Mais je suis quand même journaliste, je regarde avec un profond regret ce qui s'est développé sous mes yeux, cette histoire que j'ai décrite du mieux possible. Les Palestiniens ont leur part de responsabilité dans l'échec. Bien sur, il y a eu le terrorisme palestinien qui a fait basculer l’opinion israélienne. A l’origine, Arafat et Abbas n'auraient pas dû se lancer dans le processus d'Oslo sans obtenir le gel total de la colonisation ; la communauté internationale a laissé croitre les colonies, sans condamnation sérieuse, le département d'Etat, le Quai d'Orsay, ou la Chancellerie allemande, ont laissé faire.

        Alors maintenant on veut voter, on va peut-être reconnaître un Etat palestinien, même si c’est avant tout symbolique et ne change rien sur le terrain, si ce n’est renforcer le sentiment largement répandu en Israël : « Le monde est contre nous ! » Et donc… apporte de l’eau au moulin de la droite israélienne.
 

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22 novembre 2014 6 22 /11 /novembre /2014 11:33


           Ma mère Zakia était si fière que ma sœur et moi parlions mieux l’hébreu que l’arabe. Osman, mon père, croyait qu’en réalisant les niveaux d’éducation les plus élevés, nous serions un jour traitées comme des égales dans notre pays, Israël.

             Il croyait sincèrement que les Palestiniens capables d’articuler leur histoire gagneraient le cœur et l’esprit des Juifs israéliens. Mes parents croyaient dans la promesse d’une démocratie transcendant l’ethnicité.

          Je garde en mémoire ce rêve, mais il est évalué chaque fois que je reviens. Je suis une citoyenne d’Israël, mariée à un Juif américain, pourtant, je ne suis pas la bienvenue en Israël.

 Parce que je suis palestinienne.

             Pendant une visite récente, mon mari a rapidement été contrôlé à l’aéroport Ben Gourion, mais notre fille adolescente et moi – qui avons chacune la double nationalité d’Israël et d’Italie – avons été fouillées. Je suis habituée à la procédure : je dois la subir presque chaque fois que j’entre et que je sors du pays. Mais notre fille, âgée de 17 ans, sanglotait de chagrin.

           « Cet endroit engendre la haine partout ! » a-t-elle dit en pleurant. Pendant le même voyage, j’ai essayé de renouveler son passeport israélien. « Elle n’est pas juive, » m’a dit un fonctionnaire, « et à cause de cela, nous ne sommes pas sûrs qu’elle a droit à la citoyenneté. » Pour les Palestiniens israéliens – et nous représentons 20% de la population – ce sont des humiliations ordinaires. Mais je me demande ce que mes parents – à présent décédés tous les deux – auraient fait du graffiti qui est apparu récemment sur les murs de notre maison familiale à Haïfa, une ville mélangée du nord d’Israël. On pouvait y lire : « Mort aux Arabes ».

               Pendant la guerre récente entre Israël et le Hamas dans la Bande de Gaza, ma cousine se promenait sur la plage près de sa maison, aussi à Haïfa. Elle a entendu par hasard un groupe d’Israéliens se dorant au soleil, discuter avec désinvolture comment l’armée israélienne devrait se comporter avec les habitants de Gaza – « Simplement les tuer tous, » a-t-elle entendu l’un dire. « Je ne me suis jamais sentie si effrayée pendant mes 32 ans de vie, » m’a-t-elle raconté. « Je ne veux pas qu’ils sachent que je suis palestinienne. »

            Israël devient de plus en plus un projet de pureté ethno-religieux et d’exclusion. Des partis religieux sionistes et ultra-orthodoxes occupent 30 des 120 sièges de la Knesset et la coalition gouvernementale comprend des membres du Jewish Home, un parti religieux sioniste, et Yisrael Beiteinu, un parti nationaliste de droite. Est central dans leur politique est un programme de législation discriminatoire, destiné à réduire les droits civils des citoyens israéliens palestiniens.

                 Principale parmi les plus de 50 lois israéliennes discriminatoires étudiées par Adalah, le Centre légal pour les droits de la minorité arabe en Israël, situé à Haïfa, est la Loi du retour, qui automatiquement garantit la citoyenneté israélienne pour tout Juif, indépendamment de son lieu de naissance. Souvent, ils sont conduits dans les colonies de Cisjordanie ( illégales selon le droit international), où ils reçoivent des avantages du gouvernement. Les citoyens israéliens palestiniens, par contre, sont soumis à une interdiction de réunification familiale : S’ils épousent un compatriote palestinien de Cisjordanie ou de la Bande de Gaza, il leur est interdit de vivre en Israël en vertu de la Loi de la citoyenneté et de l’entrée en Israël.

            En septembre, La Cour suprême d’Israël a rejeté une pétition contestant la Loi des admissions des comités, qui permet à des communautés de rejeter des candidats de logement, basée sur « le caractère culturel et social approprié » - un prétexte légal pour refuser une résidence à des non-Juifs.             

          En pratique, même avant que la loi ne passe, il était virtuellement impossible pour un Palestinien d’acheter ou de louer un logement dans toute ville à majorité juive. En outre, la séparation ethnique est maintenue par le système d’éducation. A part quelques écoles mixtes, la plupart des institutions d’éducation en Israël sont divisées en arabes et en juives. D’après Nurit Peled-Elhanan, une professeure en sociologie d’une universite hébraïque qui a fourni l’enquête la plus fouillée des programmes d’enseignement de l’école publique israélienne, il n’existe pas une seule référence positive sur les Palestiniens dans les manuels d’enseignement secondaire. Les Palestiniens sont décrits soit comme « des paysans arabes sans nationalité » ou comme des « terroristes » redoutables, comme la Professeure Peled-Elhanan l’écrit dans son livre « La Palestine dans les manuels scolaires israéliens : Idéologie et propagande dans l’éducation. »

            Le système de ségrégation d’Israël a conduit à une situation où, selon un sondage récent, 42% des Juifs disent n’avoir jamais rencontré un Palestinien. Historiquement, les Juifs ultra-orthodoxes ne servaient pas dans l’armée. Aujourd’hui, oui – et dans chaque section, y compris dans les unités les plus importantes de l’armée israélienne, comme les forces spéciales Sayeret Matkal et l’Unité 8200, dont une des tâches consiste à rassembler des renseignements sur tout Palestinien qu’ils estiment « une menace pour la sécurité ».

          Contrairement à chaque ancien chef du Shin Bet (l’équivalent israélien du FBI), Yoram Cohen, qui dirige aujourd’hui l’agence, est un Juif religieux. Ce changement est typique dans la société israélienne. La plus grande intégration de Juifs ultra-orthodoxes offre clairement des avantages aux Juifs israéliens, mais pour les citoyens israéliens palestiniens, elle a signifié un nouveau racisme inspiré par la religion, en plus de l’ancienne discrimination laïque.

           Des dirigeants nationalistes promeuvent fièrement une politique de haine. Le Ministre des affaires étrangères d’Israël et dirigeant du parti nationaliste laïc Yisrael Beiteinu, Avigdor Lieberman,a soutenu un appel à boycotter les commerces de citoyens d’Israël palestiniens et, de manière inquiétante, a même cherché à rendre légal le « transfert » de Palestiniens.

          Le Secrétaire d’état John Kerry a rencontré Mr Lieberman – apparemment sans contester ces vues si répréhensibles. Telle est l’atmosphère dans laquelle vivent les Palestiniens d’Israël. Et il n’y a pas de réparation ( ??? redress) disponible pour nous ailleurs. Nos droits et notre bien-être ne peuvent certainement pas être représentés par l’Autorité palestinienne, dont la juridiction est limitée au contrôle partiel de la population de la Cisjordanie. Son président, Mahmoud Abbas, ne peut pas négocier pour nous parce que nous sommes des citoyens israéliens. Israël, cependant, préfère ne pas penser à nous comme tels, et donc à recours à toutes sortes d’agressions tatillonnes pour le prouver, comme d’essayer de refuser un nouveau passeport à ma fille.

             Israël est rapide pour souligner les efforts pour délégitimer l’état juif. Pourtant, ce qui vraiment sape le standing international d’Israël ne sont pas ses critiques, mais le traitement exécrable d’Israël envers ses propres citoyens qui sont palestiniens. Ce n’est pas très différents d’autres pays qui ont systématiquement discriminé toute une classe de leur population et les ont ségrégés sur la base de la race, la religion et l’ethnicité.

            Alors qu’Israël (comme les Etats-Unis) prétend abhorrer le racisme et les violations des droits humains ailleurs, la direction politique du pays est activement en train de promulguer des lois qui assurent un système institutionnalisé généralisé de discrimination. Ce dont Israël a besoin, au contraire, est d’un mouvement de droits civils.

Rula Jebreal est une journaliste, analyste de politique étrangère et auteure.

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7 novembre 2014 5 07 /11 /novembre /2014 11:00

Ce que m’a appris le Tribunal Russell sur la Palestine
 

Prévenir le crime de silence - Bertrand Russell.

 

Un mois après un cessez-le feu provisoire conclu entre Israël et les Palestiniens, déjà rompu 27 fois par Israël dans le silence international, on attend le prochain tir de roquette pour dénoncer sa rupture par le Hamas.

 

Le tribunal Russell s’est réuni les 24 et 25 septembre en une session extraordinaire pour délibérer sur l’opération « Bordure de Protection » menée contre Gaza.

 

Cette session a été extraordinaire à plus d’un titre. Si peu de temps après, elle a donné l’occasion à tous les participants – militants, jurés, témoins - d’ un bilan très douloureux et inquiétant, pour le présent comme pour un avenir immédiat.

 

Il a permis de mesurer l’ampleur démesurée des coups portés qui laissent une population endeuillée, sonnée, à la merci d’Israël, pour les soins, les équipements, l’eau, l’électricité, la reconstruction, la prochaine agression...

 

Les dizaines de Gazaouis disparus, après avoir embarqué dans un bateau de réfugiés pour affronter la Méditerranée nous disent l’état de la désespérance.

 

Reprendre ce qui s’est passé, en détail, avec des mots justes et pesés, analyser ce que cela dit de la situation de ceux qui ont résisté comme des responsables de l’agression. Et cet état des lieux s’avère dans l’après coup une nécessité et presque un soulagement.

 

Dans le présent qui est le nôtre, fait de propagandes et de dissimulations, de renoncement au droit, de violence déguisée en sauvetage, d’agression présentée en légitime défense, de victimes en coupables, bien nommer les choses relève de l’urgence.

 

Les faits ont été examinés en relation avec les normes du droit international de façon à pouvoir être qualifiés. Le Tribunal a décidé de s’emparer pour examen de la question du génocide qui a été soulevée à de nombreuses reprises cet été, devant les déclarations de membres éminents des instances politique, militaire, religieuse et universitaire d’Israël, et devant des actions d’une violence inouïe contre une population désarmée et sans recours.

         

 L’asymétrie des pertes a contribué aussi à cette évocation.

 

D’emblée le tribunal exprime sa grande prudence devant la qualification possible de génocide, en rappelant la définition juridique du génocide qui diffère de celle plus commune qualifiée de sociologique.

 

La différence tient à l’examen de raisons internes plus que des effets externes. Ainsi la preuve de l’intentionnalité de détruire un groupe ou partie d’un groupe doit pouvoir être apportée de façon indiscutable. Les groupes politiques sont exclus de la qualification, seuls les groupes ethniques, nationaux, raciaux, ou religieux peuvent ici être retenus. Le nombre important des victimes n’entre pas en ligne de compte .

 

Ainsi les 3 millions de victimes des khmers rouges n’ont pas suffi à qualifier l’action de génocide, et le nettoyage ethnique mis en place par les Serbes n’a pas été retenu comme constituant en soi une intention de détruire un groupe .

 

Dans l’incitation au génocide se pose aussi la question de la preuve à charge, les remarques racistes montrant l’intention, mais à décharge, comme l’assistance portée à certains membres du groupe, ou l’information communiquée d’une attaque imminente afin de permettre l’évacuation des lieux, et aussi le fait que l’objectif final supposé n’ait pas été atteint.

 

Cependant à une question posée par un membre du jury, le témoin, Dr. Paul Behrens, expert sur les questions de génocide, acquiesce, oui le cumul d’actions répétées peut permettre de conclure à un génocide .

 

Suivront les témoignages sur l’armement utilisé, les incitations au génocide dans le discours public israélien, un témoignage sur l’assassinat par un sniper israélien, les exécutions extrajudiciaires, le ciblage des infrastructures sanitaires, des travailleurs de santé, des écoles des Nations Unies, des zones industrielles et usines, sur la destruction des infrastructures civiles, la centrale électrique et les installations de traitement des eaux usées, les cibles civiles, l’utilisation d’enfants comme boucliers humains, les crimes de guerre, les complicités...

 

De cette longue succession de témoignages détaillés, émergent des lignes de force qui n’apparaissaient pas (en tous cas pas à moi) dans le flot d’images et d’informations noyées de désinformation de cet été).

D’abord surgit plus nette l’humanité des personnes atteintes, dans la chair et dans l’âme, les familles confinées, à qui l’ont dit de sortir et que l’on tue ensuite, l’Imam forcé de se déshabiller entièrement devant ses ouailles, et de traverser le village nu, jusqu’à la mosquée, et sommé toujours tenu à bout portant d’appeler depuis le minaret les jeunes hommes à sortir en leur garantissant personnellement qu’ils ne risquent rien.

 

Cinquante et un jeunes sortent et sont embarqués immédiatement, une dizaine relâchés quelques jours plus tard ; des autres , aucune nouvelle.

 

C’est, les nombreuses disparitions sous les ruines, et ce père de famille qui devant la douleur de son épouse a fait semblant de reconnaître le corps d’un enfant comme le sien, pour pouvoir lui rendre le corps de son enfant, c’est le groupe d’ hommes à qui l’on demande de dire qui parle hébreu, et ceux là seront exécutés, c’est le soldat qui a témoigné de l’exécution par un sniper d’un homme qu’il tenait en joue et qui demandait à son officier de confirmer l’ordre, l’officier lui dit d’attendre, ferme sa radio, et lui dit « vas y » , un tir, l’homme est blessé, même conversation et même procédure pour l’achever : - j’y vais ? Attends, on débranche la radio, vas y ! l’homme est achevé par 2 tirs.

 

C’est la violence et la diversité des domaines dans lesquels elle s’est exercée, de façon totalement disproportionnée.

Il serait trop long ici de reprendre tout ce que nous avons appris sur les tactiques et procédures de l’armée : prendre des maisons en chassant, enfermant ou tuant leurs habitants ; ces maisons serviront de bases militaires pendant l’opération, à partir de chacune sera fixée une ligne rouge, c’est le nom du protocole, définissant un périmètre plus ou moins vaste laissé à l’appréciation de l’officier sur place, à 100m, 200m, 600 m, de la maison... Tout être vivant, humain ou animal, entrant dans ce périmètre dit de protection déclenche un tir d’élimination. 600 m, c’est très loin de la maison, après la fin des bombardements de la zone, quand ce père de famille de Shujaya sort pour voir les dégâts, juste regarder dehors, il est abattu immédiatement.

 

Puis il y a les circulaires Dahiah et Hanibal. La première définit un protocole de bombardements, expérimenté dans la banlieue sud de Beyrouth, très intenses et serrés, rasant toute une zone, destinés à terroriser et tétaniser la population par sa violence. La seconde indique qu’on ne doit à aucun prix laisser capturer de soldats israéliens vivants quitte à ce qu’ils soient éliminés lors des affrontements pour tenter de les récupérer, avec le corollaire que toute violence peut être exercée sans limite dans la zone de l’enlèvement, dont des bombardements intensifs servant aussi de représailles. En termes de droit international, il s’agit de châtiments collectifs et de crimes de guerre. Shajaya et Khuzah en ont fait l’expérience.

 

Pire encore, suivent les témoignages de médecins, ambulanciers, personnels soignants, et l’indication précise des faits, de leur déroulement, de leur répétition. Ils conduisent clairement à une conclusion d’une cruelle acuité : tout à été fait pour empêcher d’apporter des secours et des soins aux victimes.

 

Je répète, parce que j’ai du mal à l’entendre : les hôpitaux, les cliniques, les ambulances, les soignants ont tous été ciblés dans la volonté explicite de détruire la possibilité d’apporter de l’aide et des soins. Les deux médecins témoins confirment qu’il n’y avait aucun armement dans les hôpitaux.

 

C’est le discours public israélien raciste et éliminateur qui a précédé et accompagné l’agression, impulsant et favorisant un véritable déchaînement sur la bande de Gaza.
 

Le témoin, journaliste de Haaretz, énonce des citations, publiées dans la presse israélienne, de grands rabbins, de personnalités politiques au plus haut niveau, premier ministre, député, de généraux conduisant les opérations, de professeurs d’université, tenant des propos dignes de l’époque nazie. Le témoin rapporte aussi, information utile, que 40 % des officiers supérieurs de l’armée israélienne d’aujourd’hui sont des colons nationalistes religieux messianiques. Ainsi la lettre critiquée de Ofer Winter, le général de la brigade Givati, à ses soldats avant l’attaque leur indique qu’ils mènent une guerre sainte contre les blasphémateurs :

« Dieu nous a choisi pour conduire l’attaque contre l’ennemi terroriste de Gaza qui insulte blasphème et maudit le Dieu des forces de défense d’Israël. »

 

Un adolescent capturé raconte sur une vidéo comment il a servi de bouclier humain plusieurs jours durant à des soldats qui le menaçaient et le battaient.

 

Des écoles ont été détruites en toute connaissance de cause avec les enfants à l’intérieur. On nous confirme que seules deux écoles vides ont servi à stocker du matériel militaire, mais qu’aucune école servant de refuge n’a jamais recelé d’armes. Les journalistes, les experts militaires, juristes, les médecins, palestiniens, étrangers, israéliens, qui se succèdent racontent avec précision des événements datés, localisés, documentés , et décrivent un monde d’épouvante et de solitude. La salle écoute, et silencieusement médite le sens qui prend forme dans ce chaos.

 

Leurs récits restituent l’humanité des corps déchirés, fils de, fille de, le souffle des vies terrorisées dans les décombres des bâtiments. Ce que le Tribunal nous a donné c’est cette possibilité de nous rapprocher de ce qui s’est passé pour ces milliers de familles détruites par la mort, la mutilation, la perte de leur foyer, de leur quartier ,de leur ville, l’errance hébétée de sans abris, une grand mère qui dort sur le sol de ce qui fut une rue et avoue ramasser des herbes qu’elle tente de cuisiner sur un gaz pour se nourrir... L’hiver approche.

 

Les infrastructures essentielles ont aussi été visées, la seule centrale électrique de Gaza - 18h sans électricité par jour hôpitaux inclus -, l’usine d’assainissement de l’eau- pas d’eau pour des milliers de familles -, des dizaines d’ entreprises et usines ciblées et détruites : Il y a eu volonté de frapper partout en même temps pour priver toute la population de tout recours.

 

Cette appréhension globale et précise de l’offensive sur Gaza aura été le grand apport du TRP dans cette session exceptionnelle. Le sens qui s’élabore à partir de cette compréhension se lit dans les conclusions du Jury. Il y a eu non pas génocide, bien que la violence exceptionnelle appliquée à Gaza et un nombre conséquent d’éléments liés à ceux de la définition juridique du terme obligeait à l’envisager, mais incitation au génocide confirmée par un faisceau de preuves et d’indications. Or le TRP ajoute qu’on en est à la 4e attaque depuis le début du blocus, avec une violence appliquée en exponentielle. Une autre attaque n’est pas exclue à court terme, « knowledge is responsability » dira un juré.

 

Après avoir établi les responsabilités, notamment celles de l’UE, le TRP prononce clairement ce qui résonne pour nous tous comme un verdict sans appel, un avertissement solennel :

 

Cela va se reproduire et cela va être pire. Et si l’UE ne prend pas les mesures urgentes et nécessaires pour enrayer ce processus, ce sera un génocide. Et elle en portera la responsabilité sans circonstances

atténuantes.

 

Michèle Sibony
27 septembre 2014

 

Michèle Sibony

Michèle Sibony

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6 novembre 2014 4 06 /11 /novembre /2014 10:26
Conférence " AVOIR 20 ANS EN PALESTINE " c'était à l'UBS le 5 novembre.
Conférence " AVOIR 20 ANS EN PALESTINE " c'était à l'UBS le 5 novembre.
Conférence " AVOIR 20 ANS EN PALESTINE " c'était à l'UBS le 5 novembre.
Conférence " AVOIR 20 ANS EN PALESTINE " c'était à l'UBS le 5 novembre.

                    Ils sont 3, ils auraient dû être 4 mais Israël en a décidé autrement, visa refusé pour la 4è, Rola Mattar étudiante de Gaza.

            Ils se prénomment Renen étudiant israélien, objecteur de conscience, Jaber étudiant palestinien de Bil’in en Cisjordanie, elle se prénomme Nevin, elle est de Gaza et elle vient de terminer ses études à Sciences Po à Paris.

         Ils étaient à Nantes en début de semaine, à l’Université Bretagne Sud de Lorient mercredi 5, et à Brest le 6 novembre avant de continuer leur périple en France.

 

       Ils témoignent de leur vie de palestiniens, ils nous parlent de leurs familles qui sont là bas, pour Nevin de son angoisse d’apprendre que sa famille soit atteinte sous les bombardements de l’été dernier sur Gaza.

       Ils nous parlent de leur volonté de résister à l’occupation, des violences, des humiliations, des difficultés pour étudier, pour vivre tout simplement.

       Ils nous demandent de comprendre la souffrance de leur peuple spolié et humilié et nous appellent à soutenir leur combat pour la justice.

 

        Pas de haine dans leur expression, seulement de la colère devant l’injustice. Nous étions environ 150 dans un amphi de l’université mercredi soir pour les écouter et, ensuite, leur poser les questions essentielles pour un public pas nécessairement informé sur ce conflit qui dure depuis plus de 60 ans .

 

        Nous remercions chaleureusement les responsables de l’Université qui ont bien voulu nous héberger pour cette soirée.

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6 octobre 2014 1 06 /10 /octobre /2014 13:54

Discours de Nurit Peled au Parlement Européen le 11-09-2014 (Nurit Peled-Elhanan, professeur de littérature comparée à l'université hébraïque de Jérusalem, est connue comme militante pacifiste en Israël)


mercredi 17 septembre 2014 par Nurit Peled-Elhanan Parlement Européen. 11 septembre 2014  Sous-commission des Droits de l’Homme Session spéciale sur les enfants de Gaza. Nurit Peled-Elhanan prix Sakharov 2001

 

Discours de Nurit Peled au Parlement Européen

                  Merci madame la présidente et les membres du comité des droits humains de m’avoir invitée à cette session extraordinaire sur Gaza aujourd’hui. Je suis très triste de ne pas voir ici quelqu’un de la bande de Gaza qui pourrait témoigner au sujet des pogroms qu’ils ont vécus.

 

Bien que je ne sois pas de la bande de Gaza et que, moi-même, je ne puisse même pas entrer dans la bande de Gaza, j’ai vu des enfants de Gaza blessés qui seront toujours un rappel inoubliable des atrocités infligées à ces personnes par mon gouvernement et par l’armée soutenue par mes impôts pendant les deux mois écoulés et les 14 années qui ont précédé. Je crois que le choix d’avoir cette session à la date du 11 septembre n’est pas un hasard.

 

Les Américains ont réussi, dans leur talent pour la mise en scène et la publicité à faire de cette journée le symbole du mal dans notre monde. Mais aujourd’hui, rappelons-nous que Gaza a subi 52 onze septembre dans les deux derniers mois, et bien d’autres avant. Est-ce que quelqu’un se souvient du jour où l’holocauste de Gaza a commencé, ou a atteint son apogée ? J’en doute.

 

Les Palestiniens n’ont pas les moyens des Américains et des Israéliens pour faire connaître et célébrer leurs souffrances ainsi que pour faire oublier leurs crimes. Et c’est pour cela que je sentais que je devais venir ici et dire ce que je peux en leur nom. Je voudrais avec votre permission, dédier mes paroles aux grands-mères et aux grands-pères de Gaza que j’ai rencontrés à l’hôpital Makassed, et à l’hôpital Saint-Joseph de Jérusalem, pendant le traitement de leurs petits-enfants mutilés , blessés et paraplégiques, qui m’ont surprise par leur courage, leur dignité, leur persévérance et la façon courtoise dont ils m’ont reçue, moi, leur ennemie.  

 

Je suis linguiste et donc très consciente de la puissance des mots. Je sais que je viens de dire holocauste. Et c’en est un. Ce qui s’est passé à Gaza dans les 12 dernières années, et qui a atteint son apogée pendant le Ramadan de cet été n’est rien moins qu’un holocauste. Pas une opération. Pas une guerre mais une destruction délibérée d’une société vivante.

 

Une guerre, c’est entre deux États avec deux armées qui s’affrontent, mais quand un Etat puissant déclare que sa doctrine est de considérer toute une nation comme son ennemi et envoie son armée agir avec sa toute-puissance contre les civils de cette nation, en utilisant une sorte de logique mafieuse qui dit que vous pouvez tuer les femmes et les enfants et les personnes âgées afin de donner un avertissement à leurs dirigeants et de leur rappeler qui est le patron, ou avec un message tout aussi horrible que la vie de ses propres soldats vaut plus que la vie des bébés de l’ennemi - et cela avec l’encouragement des chefs spirituels, des chefs religieux et des politiques - vous ne croiriez pas mesdames et messieurs combien de voitures en Israël affichaient cet autocollant "la vie de nos soldats vaut plus que la vie des civils ennemis" ; quand l’armée applique tous les moyens possibles à la destruction constante de tout un pays et de sa population, ce n’est pas une guerre mais un holocauste défini dans les dictionnaires comme "une destruction totale impliquant une perte de vie, en particulier à travers le feu." Je crois que les 13 membres de ce Parlement qui ont visité Gaza récemment et en sont venus à la recommandation de rompre toutes relations avec Israël ont eu la même impression.

 

Il est très regrettable que nous ne puissions pas effacer le mot holocauste de nos dictionnaires avec les souvenirs de l’Allemagne nazie et ses collaborateurs. Mais la vérité est que nous avons trop de formes d’holocauste aujourd’hui à travers le monde dans lesquels des Etats forts avec d’énormes armées asservissent les personnes les plus faibles à une vie de tortures et de pertes sans fin. Dans l’assaut sur Gaza qui vient de s’achever, comme dans les précédents, l’armée israélienne visait la zone la plus peuplée au monde avec les armes les plus féroces, souvent illégales, qui exterminent des familles entières, causent un maximum de dommages localisés, et non minimum de dommages collatéraux comme la propagande israélienne l’annonce, en utilisant des armes qui coupent les enfants en morceaux ou les brûlent complètement.

 

Le résultat de l’attaque est plus de 2000 morts dont 600 sont des personnes âgées et des enfants et 200 femmes et plus de 20 000 personnes handicapées, aveugles, paraplégiques, et beaucoup plus de lésions cérébrales ou des brûlés à 100% ; du personnel des médias et des professeurs d’université, les ambulanciers et des médecins ont été assassinés, 50 000 maisons, 200 écoles, plus de 200 mosquées, 17 hôpitaux et centres de réadaptation détruits délibérément, laissant plus de 600 000 personnes dans le dénuement sans maison et sans moyens de subsistance, et 1,8 millions de personnes - l’ensemble de la population de la bande de Gaza - avec pratiquement pas d’infrastructures d’électricité, d’eau et d’eaux usées, pour ne pas mentionner les fournitures médicales, la nourriture ou la liberté, simplement parce qu’ils appartiennent à un groupe racial, religieux ou culturel.

 

Ce n’est pas une guerre. C’est un sociocide - la destruction de toute une société, c’est un ethnocide - la destruction d’un groupe ethnique entier, et pour les Palestiniens, c’est un holocauste. Donc, jusqu’à ce que quelqu’un arrive avec un meilleur terme qui s’adapte exactement à ces atrocités tel est le terme que je suggère que nous utilisions avec toutes ses connotations de racisme, et de cruauté et en prime l’indifférence du monde....

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19 septembre 2014 5 19 /09 /septembre /2014 09:49

Entretien de Michel Warschawski par Sylvain Thevoz, jeudi 18 septembre 2014

 

L’offensive sur Gaza a rendu évi­dente l’hégémonie de la droite raciste et mili­ta­riste en Israël. Au point de faire peur à de nom­breux citoyens qui ne recon­naissent plus leur pays et craignent de le voir dis­pa­raître, témoigne Michel Warschawski.


Que dit l’offensive mili­taire contre la bande de Gaza de la société israé­lienne ? Quelles consé­quences aura-t-elle sur l’avenir du Proche Orient ?

 

Basé à Jéru­salem, le jour­na­liste franco-israélien Michel War­schawski, ardent opposant à la colo­ni­sation, est aussi un fin ana­lyste du conflit. Bien connu des lec­teurs du Courrier, dans lequel il tient une chro­nique men­suelle, ce fils de rabbin, né à Stras­bourg en 1949, est aujourd’hui le prin­cipal ani­mateur de l’Alternative infor­mation center (AIC), un centre d’information alter­native. Le conseiller muni­cipal genevois Sylvain Thévoz l’a ren­contré à Jéru­salem, alors que les bombes pleu­vaient encore sur l’enclave pales­ti­nienne de Gaza [1].

 

Sylvain Thévoz : Pourquoi cette guerre à Gaza ?

 

Michel War­schawski : Il faut tout d’abord dire que Gaza est secon­daire. Pourquoi la guerre, point.

A mon avis : pour repousser le plus long­temps pos­sible toute vel­léité inter­na­tionale de tendre à l’ouverture de négo­cia­tions. L’ennemi stra­té­gique du gou­ver­nement israélien, c’est la négo­ciation. Ce gou­ver­nement ne veut pas négocier. Certes, dans l’air du temps, il y a comme une volonté amé­ri­caine et euro­péenne de pousser Israël à négocier. Il leur faut donc faire contre-feu. Il était clair qu’en atta­quant Gaza, les négo­cia­tions seraient rendues impos­sibles. C’était l’objectif stra­té­gique le plus important.

 

Dans le même état d’esprit, la cible n’est pas le Hamas, c’est Mahmoud Abbas (pré­sident de l’Autorité pales­ti­nienne et leader du Fatah, ndlr). Mahmoud Abbas est celui que la com­mu­nauté inter­na­tionale pré­sente comme prêt à dis­cuter ; celui dont tout le monde dit à Israël : « C’est avec lui que vous devez parler. » En atta­quant Gaza, ce gou­ver­nement met Mahmoud Abbas dans une situation impos­sible. Soit il se soli­darise avec Gaza et donc avec le Hamas, ren­forçant le dis­cours de Neta­nyahou qui dia­bolise le Hamas et sa propre per­sonne. Soit il se déso­li­darise, et perd alors toute légi­timité pales­ti­nienne.

Pour Israël, cela semble donc être une situation « win-win ». Sauf que cela ne se passe pas tout à fait comme cela. Car Mahmoud Abbas est poussé par les Amé­ri­cains à jouer le rôle d’intermédiaire. Le pré­sident de la Palestine se trouve ainsi à jouer le rôle des Nations unies alors que c’est son peuple qui est attaqué. Mahmoud Abbas reste au cœur de l’action diplo­ma­tique. Ils n’ont pas réussi à le neu­tra­liser, mais sa position est fragile.

 

Un sondage dit que 80% des Israé­liens sou­tiennent l’intervention à Gaza. Quel regard portez-vous sur cette société, qui a glissé vers la droite et semble suivre aveu­glément Neta­nyahou et Lieberman ?

 

Il n’y a pas l’ombre d’un doute, les hommes poli­tiques et le gou­ver­nement, ont clai­rement glissé à droite en Israël. Et pourtant, je pense que la société israé­lienne est divisée sur le fond en deux moitiés – une grande et une petite. Un peu moins de 50% sou­tiennent la poli­tique de la droite et votent pour ces partis. L’autre moitié n’aime pas les colons, se moque du Grand Israël et aspire à une solution de com­promis. Et puis, il y a quand même, au milieu, une petite frange qui s’abstient ou vote pour des partis du centre.

 

La grande asy­métrie entre ces deux pans de la société, c’est que la droite est au pouvoir. Elle agit, dans une urgence per­ma­nente, alors que les modérés, qui ne paient pas le prix de la colo­ni­sation, sont insou­ciants. La situation est calme, rien ne semble menacer Israël – jusqu’à cette der­nière crise. La sécurité indi­vi­duelle est garantie, les bombes n’explosent plus, Israël est une société per­for­mante, son éco­nomie tourne : pourquoi changer ? Face à cela, la droite avance. Ce n’est pas l’absence d’une oppo­sition poten­tielle, mais son anomie qui pose problème.

 

A la mani­fes­tation de Tel Aviv du 2 août, la majorité des par­ti­ci­pants étaient des Tel-Aviviens typiques, tota­lement « dési­déo­lo­gisés », plongés dans la consom­mation. C’était, je dirai presque, les bobos de Tel Aviv. Ils se sont mobi­lisés pour Gaza. Oh, pour cer­tains, ils avaient même une petite larme dans le cœur. Ils avaient vu des photos, même si ici, il faut les chercher. Mais pourquoi manifestaient-ils, alors qu’ils le font si rarement ? Parce qu’ils ont surtout peur pour leur Israël, leur Tel Aviv détendu, non idéo­lo­gique, plutôt à gauche qu’à droite, qui est sévè­rement menacé.

 

Ils voient désormais émerger un pays de tueurs où Neta­nyahou devient presque le centre ! Avec comme déto­nateur, l’assassinat [du jeune Pales­tinien] Mohammad Abou Khdeir, brûlé vif par trois citoyens israé­liens. Le gou­ver­nement a eu beau dire que ce sont trois illu­minés… Pas du tout. Ils sont dans la conti­nuité d’une poli­tique. Ce sont des gens qui viennent de bonnes familles de droite, de familles res­pectées. Ils sont l’expression d’une partie d’Israël qui s’intègre dans un dis­cours raciste, vote des lois racistes. On n’aurait jamais imaginé cela il y a quinze ans. Cer­tains se réveillent main­tenant en se disant : « ce n’est pas notre Israël ! »

 

Quinze ans ce n’est pas un jour, mais c’est un rythme extrêmement rapide.

 

Oui, c’est très rapide. Le tournant date de 2000. C’est la recon­quête, la fin du mou­vement de la paix. Ce sont les posi­tions et les dis­cours d’Ehud Barak qui détruisent la paix. Les gens n’y croient plus. Ainsi la moitié qui n’est pas de droite sort démo­bi­lisée, débous­solée de ces années, offrant un monopole idéo­lo­gique à la droite.

 

En 2013, le parti de Yaïr Lapid (Yesh Atid, fondé en 2012, dont le nom signifie « il y a un futur », ndlr) a reçu dix-neuf mandats, 10% des votes, alors qu’il est un peu comme Beppe Grillo en Italie, « ni de droite ni de gauche, ni pour ni contre, ni ni ». Lapid a une belle gueule et prétend tout changer. Il était star de télé, n’a jamais pris position poli­ti­quement avant de se pré­senter aux élec­tions et d’être plé­biscité à Tel Aviv. Clai­rement, il a une idéo­logie de droite raciste, for­tement posi­tionnée contre les pauvres. Son pro­gramme ? « Nous, à Tel Aviv, on ne veut pas payer pour les va-nu-pieds. »

 

Mais ce qui est inté­ressant, c’est de voir la jeu­nesse, ceux qui ont 30 ans, fatiguée de la vieille poli­tique, ne voter pour rien ou pour quelque chose qui ne veut rien dire, qui n’est engagé à rien, et qui donc demeure libre de faire ce qu’il veut. La mani­fes­tation de Tel Aviv était la prise de conscience de la classe moyenne que leur Israël est soumis au risque de dis­pa­raître. J’étais dans un des cafés branchés de la ville et leur dis­cours était : « On va partir. Ce pays com­mence à sentir mauvais, on ne s’y reconnaît plus. Lie­berman, Neta­nyahou, les colons, ce n’est pas nous. »

 

Certes, ils ne par­tiront pas. Mais cela leur permet de ne pas assumer, de ne pas lutter. Ils sont résignés dans cette condition de refus, mais inca­pables à ce jour de pro­poser autre chose.

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