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11 mai 2014 7 11 /05 /mai /2014 14:56

Le Monde​.fr, Hélène Sallon, jeudi 24 avril 2014

 

                 Une délé­gation de l’Organisation de libé­ration de la Palestine (OLP) a conclu, dans la nuit du mardi 22 au mer­credi 23 avril, avec le Hamas, à Gaza, un accord de récon­ci­liation en sept points. Il prévoit notamment la for­mation d’un gou­ver­nement d’entente nationale composé de tech­no­crates « d’ici à cinq semaines », ainsi que l’organisation d’élections pré­si­den­tielle et légis­la­tives d’ici à six mois. 

 

                     Sa signature inter­vient à une semaine de l’échéance fixée pour les négo­cia­tions de paix entre l’Autorité pales­ti­nienne et Israël, le 29 avril, qui paraissent com­pro­mises. Jean-​​François Legrain, his­torien à l’Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman, décrypte les dessous de cet accord interpalestinien.

 

             L’accord de récon­ci­liation pales­ti­nienne signe-​​t-​​il l’acte de mort des négo­cia­tions de paix avec Israël qui doivent s’achever le 29 avril ?

 

            Jean-​​François Legrain : Pas for­cément. Bien qu’un texte ait été conclu en bonne et due forme, la cir­cons­pection est de mise. Des accords d’entente nationale et de récon­ci­liation ont déjà été signés par le passé — au Caire (Egypte), le 4 mai 2011 ; à Doha (Qatar), le 6 février 2012, réaf­firmé au Caire, le 20 mai 2012— sans jamais avoir été tra­duits dans la réalité.

           La rapidité avec laquelle le nouveau texte a négocié puis signé – deux jours – a de quoi sur­prendre. Mais la récon­ci­liation pales­ti­nienne est un serpent de mer vieux de plu­sieurs années navi­guant au gré des intérêts du moment de l’un ou l’autre des protagonistes.

               Aujourd’hui, le contexte est très par­ti­culier. Isolé du fait de ses réali­gne­ments diplo­ma­tiques issus des prin­temps arabes à l’époque où le Qatar et les Frères musulmans étaient triom­phants, et davantage encore du fait du coup d’Etat de l’armée en Egypte de juillet 2013, le Hamas est demandeur d’un accord depuis plu­sieurs mois. Il a ainsi libéré des pri­son­niers du Fatah, amnistié ses membres les plus en vue impliqués dans les vio­lences de 2007 et autorisé ses émis­saires à se rendre dans la bande de Gaza.

              La fin pro­grammée des négo­cia­tions entre l’OLP et Israël, le 29 avril, impose son actualité et place éga­lement Ramallah et l’OLP en demandeurs.

 

     Quel intérêt ont Mahmoud Abbas et l’OLP à signer un accord de récon­ci­liation avec le Hamas à une semaine de la fin des négo­cia­tions avec Israël, et alors même que l’Etat hébreu se refuse à négocier avec le Hamas, qui ne reconnaît pas son existence ?

 

           L’analyse la plus simple sug­gé­rerait que Mahmoud Abbas et l’OLP ne pou­vaient que chercher une légi­timité élargie dans un moment qui pourrait s’avérer crucial pour le destin même de la Palestine. On peut, cependant, se demander si la signature de cet accord ne constitue pas sim­plement une manœuvre pour faire pression sur les Etats-​​Unis et Israël, afin de per­mettre à la partie pales­ti­nienne d’accepter, sans perdre la face, une pro­lon­gation des négo­cia­tions au-​​delà du 29 avril.

          La signature, en ce cas, serait à rap­procher de la menace, émise le 21 avril, par Mahmoud Abbas, de « rendre les clés » à Israël en dis­solvant l’Autorité inté­ri­maire d’autonomie [l’Autorité pales­ti­nienne née des accords d’Oslo de 1993], une hypo­thèse que ne peut envi­sager ni Israël, du simple point de vue éco­no­mique, ni la com­mu­nauté inter­na­tionale, du point de vue poli­tique.

               Mahmoud Abbas est vrai­sem­bla­blement plus inté­ressé par les négo­cia­tions, même sans fin – des­quelles procède l’Autorité inté­ri­maire d’autonomie et qui consti­tuent le cœur de la poli­tique pré­co­nisée par l’OLP depuis les années 1980 – qu’au rap­pro­chement avec le Hamas, qui ne peut que lui com­pliquer la vie. Il ne peut, en revanche, passer pour celui qui se serait couché devant ses partenaires.

             En dépit des négo­cia­tions anté­rieures et jusqu’aux plus récentes, Mahmoud Abbas n’avait d’ailleurs donné aucun signe d’une réelle volonté de rap­pro­chement. Les arres­ta­tions de membres du Hamas se pour­sui­vaient en Cis­jor­danie quand il affi­chait son soutien le plus total au nouveau régime égyptien, qui ren­forçait au même moment son blocus de la bande de Gaza. J’ai du mal à croire qu’en deux jours, on puisse revenir sur des années de dés­in­té­gration nationale… notamment à si peu de temps de la fin pro­grammée des négociations.

 

En cas de relance et de pro­lon­gation des négo­cia­tions de paix avec Israël après le 29 avril, que peut-​​il advenir de l’accord de récon­ci­liation palestinienne ?

 

Dans l’hypothèse où Mahmoud Abbas obtien­drait de quoi pouvoir accepter la pro­lon­gation des négo­cia­tions, il y a fort à parier que les « conces­sions » acceptées par ses par­te­naires auront pour prix le renon­cement à la récon­ci­liation. Rien ne lui serait alors plus facile que d’alléguer les dif­fi­cultés de la mise en œuvre de l’accord pour pro­longer la division. De nom­breux grains de sable peuvent se glisser dans la machine.

               Le texte, par exemple, ne dit rien des ques­tions de sécurité, même si les accords pré­cé­dents consti­tuent ses réfé­rences. Toutes les déci­sions sont désormais censées être le fruit du consensus, mais y aura-​​t-​​il fusion des ser­vices de sécurité du Hamas avec ceux de Cis­jor­danie ? La garde pré­si­den­tielle de Mahmoud Abbas sera-​​t-​​elle auto­risée à se déployer le long de la fron­tière entre la bande de Gaza et l’Egypte ?

          Il y a par ailleurs un grand absent parmi les signa­taires : le Djihad isla­mique, une force plus popu­laire que jamais dans la bande de Gaza, et qui béné­ficie d’une partie de l’aide du Hez­bollah et de l’Iran. Sous la pré­si­dence de Mohamed Morsi, l’Egypte avait su amener le Djihad isla­mique a être partie pre­nante du cessez-​​le-​​feu signé entre le Hamas et Israël en 2011, sous égide amé­ri­caine, un cessez-​​le-​​feu encore en vigueur aujourd’hui tant bien que mal. L’Egypte du maréchal Al-​​Sissi ne semble pas témoigner de la même sagesse.

 

L’OLP et l’autorité palestinienne en bref

L’Organisation de libé­ration de la Palestine (OLP) a été créée en 1964. Com­posée de plu­sieurs orga­ni­sa­tions pales­ti­niennes, dont le Fatah, le Front popu­laire de libé­ration de la Palestine (FPLP) et le Front démo­cra­tique pour la libé­ration de la Palestine (FDLP), elle est reconnue inter­na­tio­na­lement comme seul repré­sentant du peuple palestinien.

 

L’Autorité inté­ri­maire d’autonomie (ou Autorité pales­ti­nienne) est l’entité gou­ver­ne­mentale qui admi­nistre les habi­tants pales­ti­niens de Cis­jor­danie et de la bande de Gaza, dans les zones A et B de la Palestine définies par les accords d’Oslo de 1993. Son pré­sident est Mahmoud Abbas.  

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