Par Taoufiq Tahani, Président de l'Association France Palestine Solidarité
Le 15 mai est la date symbole retenue pour marquer l’anniversaire de la Nakba palestinienne. La veille avait été proclamée, il y a 66 ans, l’indépendance d’Israël simultanément au départ des dernières troupes britanniques. Déjà près de la moitié des 700.000 [1] Palestiniens qui seront condamnés à l’exode avaient dû prendre le chemin de l’exil. La terreur, dont Deir Yassine restera le symbole, jouait à plein.
66 ans après, la Nakba reste une plaie ouverte, et plus encore.
Une injustice non-résolue qui mène au pourrissement
La communauté internationale qui avait par la résolution 194 de l’ONU en décembre 1948 solennellement acté le droit au retour des réfugiés palestiniens s’est révélée incapable de seulement commencer à le mettre en œuvre.
Sans même parler des conditions souvent dégradantes dans lesquelles ils ont été réduits à vivre depuis trois générations, au Liban notamment, on doit se rappeler les drames qui en ont résulté, avec les massacres de septembre noir en 1970 en Jordanie, ceux de Sabra et Chatila en 1982 au Liban ou le calvaire que vivent depuis bientôt trois ans les réfugiés palestiniens de Syrie.
Yarmouk, avec ses images d’horreur, est venu rappeler à la face du monde qu’il ne suffit pas de détourner son regard pour qu’une question politique fondamentale cesse d’exister. Sa non-résolution au contraire et la persistance d’une telle injustice historique ne peut mener qu’au pourrissement et générer plus de chaos.
Quant au principe de l’épuration ethnique qui a inspiré en 1948 la mise en œuvre de la Nakba, notamment avec le plan Daleth, il continue fondamentalement à guider aujourd’hui les choix politiques d’Israël. On se souvient de Sharon déclarant en substance en 2001 "la guerre d’indépendance n’est pas terminée, nous devons achever ce qui ne l’a pas été en 1948".
Dépossession et épuration
Aujourd’hui, c’est à peine si on prend la peine de maquiller l’entreprise de dépossession et d’épuration ethnique. Elle est mise en œuvre avec une conjonction de moyens qui devrait imposer comme une évidence la nécessité de sanctions politiques déterminées.
A Jérusalem c’est une politique systématique d’étranglement des Palestiniens avec refus de permis de construire, confiscations de terrains sous toutes sortes de prétextes et démolitions qui jettent à la rue des familles entières [2] et se combinent avec ces odieux "permis de résidence", toujours menacés d’être supprimés, par lesquels la puissance occupante octroie aux Palestiniens, jérusalémites de toujours, le droit de continuer à vivre chez eux.
Ailleurs en Cisjordanie, on sait que l’extension des colonies a atteint un rythme quasiment sans précédent depuis l’été dernier qui avait vu le démarrage des "négociations". Gaza, elle, majoritairement peuplée de réfugiés, enfermée et coupée de la Cisjordanie, fait office de vaste camp de regroupement surpeuplé pour une population qui se trouve désormais dans des conditions qu’on nous annonce comme invivables à brève échéance d’un simple point de vue environnemental.
Il faut un accord politique fondé sur le droit
Et cette politique d’État se double d’une très grande tolérance, pour ne pas dire de collusion, avec ces groupes de colons ultra, de plus en plus nombreux, qui sous la signature du "prix à payer" se vengent sur les Palestiniens de tout ce qui peut leur apparaître comme une concession.
Ils commencent à susciter une vraie inquiétude en Israël même où le romancier Amos Oz vient de les qualifier de "néonazis hébreux". Et si leur inclusion dans le rapport du département d’état américain sur le "terrorisme" a provoqué protestations et dénégations officielles, les attaques d’édifices religieux chrétiens à quelques jours de la visite du Pape risquent de contraindre les autorités israéliennes à quelques contorsions compliquées. Ils sauront très certainement s’y plier.
Nous ne les en tiendrons pas quitte pour autant et continuerons à porter l’exigence de sanctions auprès de la France et de ses partenaires européens pour contraindre Israël à un accord politique fondé sur le droit, seul à même de poser les bases d’une paix juste et durable et de tourner la page de la Nakba.
[1] Benny Morris, Victimes. "Histoire revisitée du conflit arabo-sioniste", Éditions Complexe, 2003, p. 277.
[2] Rapport du Conseil des droits de l'homme, février 2014, à consulter ici
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