Pourquoi l’Union européenne refuse que ses subventions soient utilisées pour des projets situés au-delà la Ligne verte ?
L’Union européenne, comme la plupart des Etats dans le monde, ne reconnaît pas la souveraineté israélienne sur les territoires au-delà de la Ligne verte et ne les considère pas comme faisant partie de l’Etat d’Israël. L’UE, comme la plupart des Etats dans le monde, ne considère pas les activités des citoyens israéliens au-delà la Ligne verte comme légales, car en vertu du droit international, un pays ne peut pas installer ses citoyens dans un territoire occupé, il peut seulement gérer temporairement ce territoire au nom de la population locale.
Pourquoi cette décision de l’UE s’applique aussi à Jérusalem Est et au Plateau du Golan, alors que dans ces zones c’est la loi israélienne qui s’applique ?
Bien qu’Israël ait mis en place son droit civil, ses tribunaux et son administration à Jérusalem-Est et sur le plateau du Golan, les annexant ainsi de fait à son territoire, la communauté internationale ne considère pas que ces actes ont changé le statut de ces territoires. L’annexion unilatérale d’un territoire par un pays pendant ou après une guerre n’est pas considéré comme légal au regard du droit international. Aujourd’hui, le droit international interdit l’acquisition de territoire par la force. Du point de vue de la communauté internationale, ce sont des territoires occupés, tout autant que la Cisjordanie (et que Gaza aussi, qu’une partie importante du monde considère toujours comme étant occupé par Israël).
Quelle est la position d’Israël sur le statut de ces territoires ?
Israël n’a pas appliqué la loi civile israélienne dans les territoires conquis en 1967, à l’exception de Jérusalem-Est et du plateau du Golan. Ainsi, même du point de vue de la loi israélienne, le reste de ces territoires est considéré comme hors des frontières souveraines d’Israël.
La revendication d’Israël à l’égard de la Cisjordanie, c’est qu’elle a été conquise sur la Jordanie, un pays dont la souveraineté n’était pas non plus reconnue sur la Cisjordanie ; la Convention de Genève, s’appliquant aux territoires conquis par un État sur un autre État, ne s’appliquerait donc pas à la Cisjordanie.
Une revendication similaire est formulée à l’égard de la bande de Gaza, qui était précédemment contrôlée par l’Egypte.
C’est pour cette raison que l’on entend parfois des personnalités israéliennes désigner ces territoires comme « contestés », et non comme occupés. En ce qui concerne ses colonies, Israël prétend que la Convention de Genève interdit aux États de transférer de force ses citoyens dans un territoire occupé, mais que des citoyens peuvent aller s’installer de manière volontaire dans un territoire occupé.
Alors quel est le problème avec la revendication d’Israël sur ce qu’il appelle la Judée et la Samarie, et que la plupart des pays du monde appellent la Cisjordanie ?
Presque personne n’accepte les prétentions d’Israël selon lesquelles la Convention de Genève ne s’appliquerait pas aux territoires conquis en 1967 parce qu’ils n’appartenaient pas auparavant à’un pays, ou parce que ses citoyens auraient choisi volontairement d’aller s’installer dans le territoire occupé.
La Cour internationale de Justice de La Haye a également rejeté ces allégations lorsqu’en 2004 elle a statué sur la barrière de séparation entre Israël et la Cisjordanie. Il est clair que, du fait que les colonies ont été établies par décret gouvernemental et avec un montant élevé de fonds alloués par le budget de l’Etat, leur mise en place relève de la définition d’un transfert de population en violation de la Convention de Genève.
Israël essaie d’avoir le beurre et l’argent du beurre. D’une part, il n’a pas annexé la Cisjordanie à l’intérieur de ses frontières souveraines, ni appliqué le droit civil israélien ou son administration dans ce territoire. Les résidents palestiniens de la Cisjordanie n’ont pas obtenu la citoyenneté israélienne. Israël a promulgué un régime militaire en Cisjordanie et c’est sous cette autorité qu’il opère.
Lorsque, par exemple, Israël confisque des terres pour des raisons de sécurité, il le fait en vertu des lois internationales d’occupation (qui se trouvent dans les Conventions de La Haye) qui confèrent des pouvoirs spécifiques aux commandants militaires dans les territoires occupés.
D’autre part, Israël prétend que la Convention de Genève ne s’applique pas à la Cisjordanie, de sorte que les restrictions contenues dans la Convention de Genève ne s’appliquent pas. Le résultat est qu’Israël agit parfois dans les territoires comme s’ils faisaient partie de son territoire souverain : il établit des villes israéliennes, des communautés et des usines, et applique la loi israélienne aux citoyens israéliens vivant dans ce territoire.
Toutefois, Israël traite simultanément la Cisjordanie comme un territoire occupé, en plaçant sous administration militaire les habitants originaux du territoire occupé, les Palestiniens, à qui il ne donne pas le même statut qu’aux citoyens israéliens. Et dans le même temps habitants palestiniens ne bénéficient pas pleinement de leurs droits de résidents d’un territoire occupé, qui comprennent la disposition empêchant la puissance occupante de les expulser en faveur de ses propres citoyens.
Les Européens ne sont pas prêts à laisser les subventions qu’ils accordent à Israël financer cette politique.
Pourquoi considérer ces territoires comme occupés, alors qu’ils n’ont pas été réellement pris à un Etat auquel ils auraient appartenu ?
Les civils vivant en Cisjordanie peuvent être considérés comme occupés, parce qu’ils vivent sous un régime militaire imposé par un Etat dont ils ne sont pas citoyens, et le fait que la Cisjordanie n’était pas un Etat palestinien avant son statut actuel ne change pas rien. Il ne fait aucun doute que la Cisjordanie se situe au-delà des frontières reconnues d’Israël, et est sous un régime militaire, et en raison de ces faits, la population civile qui y vit peut être considérée comme occupée.
Dans de nombreux cas à travers le monde, des territoires ont été conquis sur des États qui n’étaient pas légitimes pour les gouverner : le Maroc a conquis le Sahara occidental sur l’Espagne, l’Indonésie a conquis Timor oriental sur le Portugal.
Cela ne rend pas ces territoires moins « occupés ». De plus, ces deux pays ont également annexé unilatéralement les territoires en question, et cela aussi ne les rend pas moins occupés. Le Timor oriental s’est finalement fait accorder l’indépendance, et le Sahara occidental est considéré comme occupé jusqu’à ce jour.
Le fait qu’Israël ait conquis la Cisjordanie sur la Jordanie et Gaza sur l’Egypte, pays auxquels elle n’appartenait pas, n’a pas d’importance. Ce qui importe, c’est qu’il y a une population vivant au-delà des frontières d’un Etat, population qui vit sous un régime militaire et se voit refuser le droit fondamental à l’autonomie et à l’autodétermination.
Est-ce qu’il y a d’autres territoires dans une situation similaire ?
Les territoires considérés comme occupés le sont presque toujours dans un environnement de controverses, et les Etats occupants nient souvent que les territoires soient en effet occupés.
La Cour internationale de La Haye a récemment discuté de l’occupation par l’Ouganda de certaines parties du Congo. L’occupation la plus controversée de l’histoire récente a été l’incursion des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne en Irak, mais cette affaire diffère de l’occupation israélienne de la Cisjordanie, du fait que l’occupation menée par Israël est à long terme, et comprend des colonies et une population civile de l’Etat conquérant.
Deux situations similaires qui se démarquent sont Chypre du Nord, qui a déclaré son indépendance, mais que la plupart du monde considèrent toujours comme un territoire sous occupation turque, plutôt que comme un Etat indépendant. La Cour européenne des droits de l’homme a souvent qualifié Chypre du Nord comme occupé et condamné la Turquie pour les violations des droits humains envers les Chypriotes et les Grecs, du fait qu’elle ne leur permettait pas d’accéder à leurs terres.
Le Sahara occidental est toujours considéré comme un territoire occupé par le Maroc. Dès 1975, la Cour internationale de La Haye a décidé qu’il conviendrait d’accorder à la population de ce territoire, les Sahraouis, le droit de décider de manière indépendante leur propre avenir, ce qui leur permettrait de réaliser leur droit à l’autodétermination. Un référendum devait avoir lieu au Sahara occidental, mais à ce jour il n’a pas eu lieu. Le Timor oriental est un autre cas similaire, mais il a obtenu son indépendance en 2002 à la suite d’un référendum.
Pourquoi le droit international interdit aux nations de s’installer dans les territoires occupés ?
Il est assez clair que si un Etat conquérant commence à installer sa population dans le territoire occupé, une situation sera créée dans laquelle l’État aura un rapport différent à la population du territoire occupé et à ses propres citoyens, ce qui conduira probablement à une discrimination contre la population occupée. Cette situation est similaire à la colonisation, ou l’apartheid, ce que le droit international moderne cherche à empêcher. La politique de colonisation d’Israël a précisément eu pour résultat la situation que le droit international cherche à prévenir.
Alors, la communauté internationale ne fait pas de distinction entre les colonies et les « avant-postes » ?
Non, effectivement. La plupart des pays du monde voient la Cisjordanie comme un territoire occupé, à laquelle la Convention de Genève est applicable, ce qui interdit à une nation occupante d’y installer sa population civile.
Que dire de « blocs de colonies » ?
Selon le droit international, il n’y a pas de différence. Il semble qu’un futur accord entre Israël et les Palestiniens laissera des blocs de colonies dans les mains israéliennes, mais pour l’instant, il n’y a aucune différence. De toute évidence, ce n’était pas de la compétence du président de l’époque George W. Bush de changer cette réalité, comme il l’a fait dans sa fameuse lettre au Premier ministre Ariel Sharon, dans laquelle il écrivait qu’il était irréaliste de s’attendre à ce qu’Israël retourne au frontières de 1949, sur la base des faits sur le terrain.
Mais dans le passé, des Etats ont conquis des territoires et se les sont appropriés ?
Le droit international moderne comprend de nombreuses règles qui interdisent l’utilisation de la force, et l’acquisition de territoires par la force, ainsi que des règles qui soutiennent l’autodétermination. Le droit international cherche à faire disparaître l’ancien colonialisme.
Aujourd’hui, un État ne peut pas prendre possession d’un territoire simplement parce qu’il l’a conquis par la force. En outre, les États qui prennent possession de territoires par la force annexent en général ces territoires, et accordent la citoyenneté à leurs habitants (ne parlons pas des périodes plus sombres du passé, où généralement la plupart de ces populations civiles étaient détruites). Même si l’annexion unilatérale est interdite par le droit international moderne, l’annexion doit théoriquement conduire à l’égalité des citoyens et à la stabilité. La présence d’Israël en Cisjordanie est loin de cela, car il s’agit d’une occupation prolongée illégitime d’une population conquise à laquelle n’a pas été accordée la citoyenneté.
Mais Israël a promis de restituer des terres aux Palestiniens et « il n’y a personne avec qui négocier » ?
Cette affirmation est complètement hors de propos. Peu importe qui doit être tenu pour responsable du fait qu’il n’y a toujours pas d’accord, ou du fait que les négociations sont au point mort, la situation juridique des colonies reste inchangée.
Israël ne remplit pas ses obligations en Cisjordanie en tant qu’Etat occupant et c’est une question distincte de celle du processus de paix et des négociations.
Tant qu’Israël occupe la Cisjordanie, il est supposé agir selon les lois qui régissent les territoires occupés, lois qui interdisent la colonisation, et qui stipulent que la nation occupante ne doit gouverner le territoire occupé que temporairement, et pour le bénéfice de la population occupée. L’armée occupante doit garantir la sécurité dans le territoire occupé, mais ne doit pas être utilisée pour établir des populations.
Il est important de souligner que les accords d’Oslo, tout en accordant certains pouvoirs aux Palestiniens, n’ont pas modifié le fait que la Cisjordanie est sous occupation israélienne, ni la situation juridique des colonies.