Le Monde.fr, mercredi 29 août 2012
- AFP/HUSSEIN HUSSEIN
Trois juges français vont enquêter sur la mort en 2004 de Yasser Arafat, après l’ouverture d’une information judiciaire pour assassinat, mardi 28 août, par le parquet de Nanterre.
Cette enquête fait suite au dépôt d’une plainte contre X pour assassinat avec constitution de partie civile, le 31 juillet, par Souha Arafat, la veuve du chef de l’Autorité palestienne. Les noms de ces juges, désignés par le président du tribunal de grande instance de Nanterre, n’ont pas encore été rendus publics.
Alors qu’il était bloqué par l’armée israélienne depuis près de trois ans dans la Muqata’a, son quartier général de Ramallah, "le Vieux" avait été victime d’un mal aussi foudroyant que non identifié. Il est décédé le 11 novembre 2004 à l’hôpital militaire de Percy, en région parisienne.
La chaîne qatarie Al-Jazira a relancé le débat il y a quelques semaines sur les circonstances de sa mort, en dévoilant les résultats d’examens menés par un laboratoire suisse, qui avançaient pour la première fois la thèse d’un empoisonnement au polonium.
Selon la chaîne, les tests de l’institut radiophysique de Lausanne avaient révélé la présence, sur des vêtements, la brosse à dents et le keffieh de Yasser Arafat, de cette substance radioactive hautement toxique, qui a notamment servi à l’empoisonnement en 2006 à Londres d’Alexandre Litvinenko, un ex-espion russe devenu opposant.
A la suite de ces révélations, l’Autorité palestinienne a autorisé l’exhumation du fondateur du mouvement national palestinien, et le même institut de Lausanne a annoncé vendredi avoir reçu le feu vert de la veuve pour examiner la dépouille.
Quel intérêt pour Israël ?
Les dirigeants palestiniens et les proches de Yasser Arafat sont persuadés qu’il est mort empoisonné. La population palestinienne, dès décembre 2004, semblait privilégier cette option. Un sondage publié le mois suivant sa mort par le Palestinian Center for Policy and Survey Research (PSR) concluait que "près de 72 % [des sondés] pensent qu’Arafat est mort empoisonné, et la plupart d’entre eux [64 %] pensent qu’Israël est responsable de cet empoisonnement, tandis que 22 % pensent qu’un groupe palestinien est responsable".
Il n’est pas certain que les autorités israéliennes aient eu intérêt à éliminer Yasser Arafat en 2004. Sa mort privait les Palestiniens d’une figure fédératrice. Mais "le Vieux" était alors isolé dans son quartier général de Ramallah. Il avait perdu de l’influence en Palestine comme à l’étranger, alors que le gouvernement américain s’efforçait depuis 2002 de le mettre "hors-jeu".
Cette situation de blocage, alors qu’aucun nouveau leadership palestinien ne pouvait émerger pour poursuivre le "processus de paix", servait peut-être davantage les intérêts israéliens.
Evoquant "des accusations farfelues", le ministère des affaires étrangères israëlien a déclaré n’être "pas concerné" par l’ouverture de cette enquête en France et "espérer [que cette dernière] fera toute la lumière sur cette affaire".
Souha Arafat et sa fille, Zahwa, se "félicitent" de cette annonce, selon un de leurs avocats français, Me Pierre-Olivier Sur. L’Autorité palestinienne a également salué cette décision. Son président, Mahmoud Abbas, a officiellement demandé à François Hollande "de nous aider à enquêter sur les circonstances du martyre de l’ancien président Arafat", a déclaré le négociateur Saëb Erakat.
Lire la note de blog : Slate publie le dossier médical de Yasser Arafat