Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
19 mars 2018 1 19 /03 /mars /2018 17:02

Retour de Palestine.

 

Ils sont là qui nous attendent de l’autre côté du check-point qui sépare Jérusalem de Bethléem. Eux n’ont pas pu le franchir. Eux, ce sont Nermin, Shaker, Sara, Rasha et d’autres, une vraie délégation. Nous les connaissons pour les avoir reçus ou pour les avoir déjà rencontrés chez eux. Ils sont heureux de nous voir, nous aussi.

Commence une semaine d’invitations chez les uns, chez les autres. Nous faisons le tour des familles. A chaque fois l’accueil est magnifique.

Le lendemain de notre arrivée, un vendredi, nous restons à Halhul chez Rasha quasiment toute la journée. Nous apprendrons plus tard que des affrontements sont fréquents ce jour-là. Donc pas de sortie.

Notre temps se partage entre les visites de Ramallah, Bethléem, Jéricho, Hébron, les réceptions officielles et les repas pantagruéliques. Nos amis sont joviaux, cordiaux.

Mais au fur et à mesure que l’intimité grandit, le vernis se fissure. Nous sommes reçus par des familles de « martyrs » qui nous montrent les photos de leurs fils tués par des militaires israéliens. (Hamza, 23 ans, est mort en février de cette année) J’émets une réserve sur le terme « martyr», « victime » me semble peut-être plus approprié. Non. Quiconque ici participe à une manifestation sait qu’il risque sa vie.

Nous passons une soirée chez Imad et Jasmine. Il y deux ans, leurs deux fils aînés alors âgés de 14 et 16 ans, sans doute repérés lors d’une manifestation ont vu débarquer chez eux en pleine nuit une dizaine de militaires qui les ont emmenés dans des conditions de grande violence. Ils ont passé 9 mois en prison sans autre forme de procès. L’un des garçons ce soir-là nous raconte. L’autre est mutique, fermé, traumatisé. La scène de l’arrestation a été filmée par les caméras qu’Imad a fait installer autour de sa maison, maison qui se trouve en zone C, ce qui veut dire qu’elle peut être détruite du jour au lendemain par les israéliens.

Nous apprenons que 60 % des familles ont ou ont eu un père, un frère… emprisonné ou tué.

Lors de nos sorties vers d’autres villes, nous les sentons nerveux, perpétuellement inquiets. En fait, ils ne se déplacent qu’en cas de réelle obligation. Faire du tourisme, ils ne savent pas parce qu’ils ne peuvent pas. Sur la route un militaire israélien nous fait signe de nous arrêter, arme pointée sur la voiture. Shaker, jeune homme de 28 ans, est visiblement terrorisé. En nous apercevant -trois femmes occidentales- le miliaire fait signe de passer. Les israéliens tiennent à leur image de marque auprès des occidentaux…. Quelle ironie !

On comprendra que nos amis vivent tous dans la peur, et dans un très grand sentiment d’humiliation.

Partout des colonies, de plus en plus nombreuses, qui gagnent inexorablement sur les terres. Et puis le mur de la honte, les check-points, les militaires. Tout le temps, des contrôles, des autorisations à demander. Tout est compliqué.

Partout aussi des camps de réfugiés. Réfugiés depuis qu’en 48 leurs villages ont été détruits, leurs maisons rasées. Jusque quand seront-ils des réfugiés dans leur propre pays ?

A l’entrée de zone sous contrôle palestinien, des panneaux israéliens : « vous entrez en zone palestinienne donc en zone dangereuse, à vos risques et périls » Nos amis nous disent : les terroristes, c’est nous, c’est bien connu !

Dans la vieille ville d’Hébron, le harcèlement est tel (2000 militaires pour protéger 400 colons) que nombre de magasins ont fermé, des rues sont interdites de circulation, le souk se vide, on ne laisse les enfants se déplacer que pour se rendre à l’école. Cela représente un risque au quotidien.

Deux tourniquets filtrent l’accès à la partie israélienne de la ville. C’est un militaire qui, de sa guérite, décide de qui passera et au bout de combien de temps ….

Partout, nous entendons « il faut témoigner, il faudra dire ce que vous avez vu et entendu » Oui, nous le ferons.

Mais comment retranscrire au plus juste la terrible réalité de leur vie ?

Coloniser c’est « mettre un pays sous sa dépendance économique »

Il y a à propos de la Palestine une erreur de sémantique. Il s’agit en l’occurrence de priver un peuple de ses terres, de ses droits, de sa liberté, il s’agit de le faire disparaître.

Je fais gentiment remarquer à Shaker que peut-être il fume trop : « c’est la seule liberté qui me reste »

Nermin a demandé un visa pour nous raccompagner à la fin de notre séjour à Jérusalem. Visa refusé.

Les israéliens vont en mai « fêter » la création de leur état. Les palestiniens vont célébrer les 70 ans d’occupation, de guerre, de spoliation.

Nous témoignons.

Nous ne les oublions pas. Pas plus que nous n’oublions les syriens, les kurdes, les yéménites, tous les peuples en souffrance.

Halhul – Mars 2018

Claudie Sennator

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le blog du PAYS DE LORIENT
  • : Pour la création d'un état palestinien
  • Contact

Rechercher

Archives

Liens